
On parle très souvent du mindset de manière individuelle. Mais en entreprise, la culture qui règne dans toute l’organisation est encore plus importante. Une entreprise a beau avoir les meilleures ressources matérielles et humaines du monde, si son mindset est éclaté au sol, il en sera de même pour son développement.
Voici comment certaines entreprises se sont construites ou se sont effondrées, à cause du mindset qu’elles ont cultivé. Vous y trouverez tous les indices pour cultiver le bon mindset d’entreprise au sein de votre propre organisation.
Mindset en entreprise : le piège du Talent Mindset
Commençons par le cas emblématique d’Enron. Enron était une entreprise américaine spécialisée dans le négoce d’énergie, notamment le gaz naturel et l’électricité. À ses débuts, elle opérait principalement dans la distribution de gaz.
Mais au fil du temps, Enron s’est transformée en une entreprise de trading sophistiquée. Elle vendait des contrats à terme sur l’énergie et développait des produits financiers complexes liés aux matières premières (y compris l’eau et la bande passante).
Elle se présentait comme une entreprise innovante, à la pointe des marchés dérégulés. Mais elle est surtout devenue célèbre pour avoir mis en place un système comptable frauduleux en cachant ses dettes et embellissant ses profits.
En 2001, cela a mené à l’une des plus grandes faillites de l’histoire américaine avec la perte de milliers d’emplois. Il s’en est aussi suivi la ruine de nombreux investisseurs et salariés qui avaient placé leur épargne dans les actions de la compagnie. Mais comment en sont-ils arrivés là ?
Comment le fixed-mindset a-t-il ruiné l’avenir de l’entreprise ?
Dans mindset : the new psychology of success, professeure Carol Dweck évoque le fait qu’Enron misait tout sur le recrutement des meilleurs. Des diplômés prestigieux à qui on offrait de gros salaires : tout était fait pour attirer des « superstars ». En soi, le recrutement des meilleurs n’était pas le problème.
Le problème était de leur faire clairement voir qu’ils ont été choisis, car considérés comme des génies et qu’ils n’avaient pas droit à l’erreur. Il fallait prouver sa valeur en permanence et l’échec n’était pas une option. Finalement, c’est cette culture du fixed-mindset de la théorie de Carol Dweck qui a fini par causer la chute de l’entreprise.
Cette approche a conduit à une pression intense pour paraître exceptionnel, sans remise en question ou correction d’erreurs. Cela a favorisé des comportements risqués et non éthiques, ainsi qu’une focalisation sur les gains à court terme au détriment de la durabilité et de l’intégrité.
Dans ce type de culture, que Carol Dweck appelle culture du génie, les comportements déviants se multiplient : on cache ses erreurs, on prend des raccourcis, on triche parfois pour préserver son image. Une spirale destructrice qui mène toujours à l’apocalypse (oui, je fais un peu ma dramaqueen).
Culture du développement vs culture du génie
Une étude menée auprès d’un groupe de grandes entreprises, incluant des sociétés du Fortune 500 et du Fortune 1000, a révélé un fort consensus interne quant au mindset dominant dans chaque organisation.
En d’autres termes, dans chaque entreprise, la majorité des membres s’accordait sur le type de mindset régnant en interne. Deux types de cultures organisationnelles se sont distingués : la culture du développement et la culture du génie.
La culture du développement
Dans les entreprises adoptant une culture du développement, les collaborateurs témoignent d’une confiance bien plus élevée envers l’entreprise, ainsi qu’un fort sentiment d’autonomisation, de responsabilité et d’engagement.
Ces structures encouragent la prise de risque raisonnable, l’innovation et la créativité. De même, les managers y développent une perception très positive de leurs équipes. Celles-ci sont perçues comme collaboratives, ouvertes à l’apprentissage et porteuses d’innovation.
Instaurer une culture de développement passe par l’adoption d’un growth mindset au sein de l’entreprise. Une fois que le growth mindset est installé, la culture du développement suit naturellement. Et pour que ce mindset soit adopté, c’est aux leaders de la boîte de prendre les devants.
La culture du génie
Dans les entreprises marquées par une culture du génie, comme Enron, l’approche est centrée sur la valorisation de talents perçus comme « naturellement brillants » Les chercheurs ont observé des comportements problématiques tels que la tricherie et la recherche de raccourcis.
Il y avait également une culture du secret et de la rétention d’informations. La collaboration et la croissance collective étaient donc mises à mal. La culture du génie est une résultante directe du fixed mindset. Et ici également, il suffit que les leaders soient fixed-minded pour que la machine soit enclenchée.
La CEO disease : quand le leadership étouffe la croissance
Dans son livre, Carol Dweck fait référence au livre Good to Great de Jim Collins, où ce dernier observe un phénomène troublant : certains leaders charismatiques construisent leur empire sur leur image personnelle. Et une fois partis de l’entreprise, tout s’écroule derrière eux.
Pourquoi ? Parce qu’ils ont créé une entreprise à leur gloire et non un système durable. Ce type de leadership est la définition de la CEO disease ou maladie du PDG. Dans cette maladie, le leader qui est avant tout fixed-minded, ne se soucie que de son image, même si cela met l’entreprise en périls.
Carol Dweck cite l’exemple de Lee Iacocca et d’Albert Dunlap, leaders autoritaires obsédés par leur statut de héros ou de superstar. Sous leur direction, le fixed mindset dominait : personne n’avait le droit de contester leur vision des choses.
Et la situation est similaire avec les managers abusifs ou hyper-contrôlants. Au lieu de créer une culture d’apprentissage, ils installent un climat de peur. Et en conséquence, on ne pense plus à innover, mais plutôt à ne pas se faire juger. Fort heureusement, cette maladie est totalement réversible.
Mindset d’entreprise : comment reconnaître la CEO disease ?
Dans un article de Vlerick Business School, la professeure de leardership Katleen De Stobbeleir évoque la condition des leaders atteints de cette maladie. Ils vivent dans un feedback vacuum, un environnement dans lequel ils ne reçoivent pas de retours ou de critiques. Selon elle, voici les principaux symptômes de la CEO disease :
- le leader en question est entouré de yes men et yes women, des béni-oui-oui qui approuvent toutes ses réflexions, initiatives et décisions ;
- il prend de plus en plus les critiques personnellement, parce qu’il est habitué à ce qu’on l’approuve toujours ;
- ceux qui osent contredire le leader sont perçus comme des plaies, aussi bien par le leader que par son équipe de yes men et yes women.
Notez que dans certains cas, le leader intègre l’entreprise avec un fixed-mindset déjà établi. Dans ce cas, il n’attendra pas d’être de plus en plus validé pour développer la maladie du PDG. Il viendra dans l’entreprise avec cette maladie et contaminera les équipes en instaurant une culture de feedback vacuum.
A contrario, certains leaders qui n’avaient pas encore cette maladie peuvent la développer graduellement, à force de baigner dans un environnement où ils ne sont jamais contredits.
La maladie du PDG est similaire à la maladie du Nobel ou nobélite. Dans cette dernière, les lauréats du prix Nobel développent un sentiment de puissance. Celui-ci les pousse à se prononcer sur des domaines dont ils n’ont aucune expertise ou à émettre des idées ou affirmations irrationnelles.
Comment se débarrasser de la maladie du PDG ?
Le cœur même de la maladie du PDG, c’est l’absence de feedbacks. Le meilleur moyen d’y mettre fin est donc d’injecter des feedbacks dans le système. En tant que leader, commencer à demander des retours et des avis à votre équipe est la première étape.
Mais gardez à l’esprit qu’il y a des chances pour que vos collaborateurs soient toujours hésitants à l’idée de donner leur avis. Cela vient du fait que vous êtes leur supérieur, mais aussi du fait que vous avez longtemps baigné dans un environnement où les critiques n’étaient pas de mise.
Pour faciliter le processus, De Stobbeleir s’inspire de Amy Edmondson, professeure de leadership et de management à Havard. Elle propose de créer un environnement sécure où les membres de l’équipe ont le courage de se prononcer en toute franchise.
Pour cela, le leader gagne tout à se montrer vulnérable, à être critique envers lui-même, à admettre ses erreurs et à favoriser une culture globale de feedbacks.
Cela étant, dans certains cas, la culture du fixed mindset et la CEO disease sont tellement installées qu’ils favorisent une pandémie : le grougpthink ou pensée de groupe.
Pensée de groupe : bon ou mauvais mindset d’entreprise ?
Pensez-vous qu’une entreprise dans laquelle tout le monde est au même diapason a beaucoup moins de risques de décliner ?
Encore appelé pensée groupale, le groupthink d’Irvin Janis est un phénomène où les membres d’un groupe cherchent avant tout à maintenir l’harmonie et l’unanimité, au détriment d’une analyse réaliste et critique de la situation.
Dans le cadre du fixed mindset, le groupthink paraît quand plus personne n’ose contredire le leader ou quand le groupe se convainc de sa propre supériorité collective. Généralement le groupe cesse de contredire le leader soit parce qu’il a fini par développer une confiance aveugle en son tout-puissant maître, soit parce que ce dernier a semé la terreur en punissant ceux qui osent émettre des objections.
La pensée de groupe de l’invasion ratée de la baie des cochons
En avril 1961, cette tentative ratée d’invasion de Cuba est menée par plus de 1000 exilés cubains entraînés par la CIA et soutenus par les États-Unis. Cette opération, lancée au début du mandat de John F. Kennedy, visait à renverser le régime communiste de Fidel Castro, allié de l’URSS.
L’opération a échoué, causant la mort de plus de 100 exilés et la capture de plus de 1000 d’entre eux. Cet échec a renforcé la position de Castro à Cuba, consolidé son alliance avec l’URSS et marqué un tournant dans la Guerre froide. Kennedy a publiquement assumé la responsabilité de l’échec qui a aussi entaché l’image des États-Unis en Amérique latine.
Dans ce cas de groupthink, les dirigeants américains, y compris Kennedy et ses conseillers, ont pris la décision d’envahir Cuba sans réellement évaluer les alternatives ou écouter les doutes exprimés en privé. Cela a donc conduit à un consensus illusoire et à l’échec de la mission.
Mindset en entreprise : comment lutter contre la pensée de groupe ?
Il existe une alternative à l’effet Janis : le « we think », une pensée collective fondée sur le dialogue et la confrontation constructive. Alfred P. Sloan, PDG de General Motors, a un jour interrompu une réunion en déclarant :
« Messieurs, je suppose que nous sommes tous en parfait accord sur la décision ici présente… Dans ce cas, je propose que nous reportions toute discussion supplémentaire à notre prochaine réunion, afin de nous laisser le temps de développer un désaccord — et peut-être de mieux comprendre de quoi il s’agit exactement.”
Un autre exemple inspirant : David Packard, fondateur de Hewlett-Packard (la fameuse marque de PC – HP). Chuck House, un employé, s’était opposé à une décision prise par Packard : annuler le projet de création des écrans grand format.
Après que Chuck House ait défié l’ordre de David Packard, il poursuit et transporte lui-même le prototype pour le montrer directement aux clients, y compris pendant ses voyages familiaux.
La réponse des clients est enthousiaste et la production du produit est lancée en urgence. Un an plus tard, lorsque Packard revient, le produit est devenu un succès commercial, avec plus de 17.000 unités vendues et 35 millions de dollars de chiffre d’affaires.
Packard, d’abord contrarié, finit par reconnaître l’audace de Chuck House. Il lui décerne ensuite une Médaille de la Désobéissance pour “outrage et insoumission extraordinaires allant au-delà du devoir habituel d’un ingénieur.”
D’ailleurs, cette technologie servira de base pour créer le moon monitor, celui qui a permis de visualiser l’alunissage Apollo 11 depuis la terre.
Quand le mindset influence directement la performance en entreprise
Laura Kray et Michael Haselhuhn ont mené une étude fascinante auprès de groupes formés à deux types de mindset. On a appris au premier groupe que les capacités de négociation étaient fixes. L’autre groupe a appris que ces capacités peuvent se développer avec l’effort. Puis on leur a proposé deux types de tâches.
Dans la première tâche, les risques qu’ils se plantent étaient faibles. Ils avaient donc toutes les chances de briller, mais n’allaient rien apprendre. Dans la deuxième, il y avait plus de risques de se tromper mais aussi d’apprendre.
47 % du groupe au fixed mindset a choisi la tâche facile. Seulement 12 % des growth-minded en ont fait autant. Mais surtout, le groupe growth minded négociait bien mieux. Ils persévéraient face aux blocages et obtenaient des résultats bien supérieurs.
Changer le mindset des managers, ça change tout en entreprise
D’autres chercheurs (Peter Heslin, Don VandeWalle et Gary Latham) ont étudié le comportement des managers. Ils se sont rendus compte que beaucoup d’entre eux ne croient pas vraiment que leurs collaborateurs puissent évoluer.
Par conséquent, ils leur apportaient peu de coaching, peu de feedback utile et avaient un regard figé sur les talents. Inutile de conclure qu’avec une telle vision, les managers n’arrivaient pas à faire grandir les membres de leurs équipes.
Mais le plus intéressant, c’est qu’après un simple atelier sur le growth mindset, leur attitude a radicalement changé. En quelques semaines, ils étaient capables de mieux détecter les progrès de leurs managés. Ils mettaient plus d’énergie dans le coaching et leurs conseils devenaient de plus en plus utiles et nombreux.
D’ailleurs, ces changements ont tenu dans le temps et les résultats sur les managés étaient également encourageants.
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