
Un enfant réussit un exercice en quelques secondes, sans effort ni erreur. Le parent ou l’enseignant applaudit fièrement : “Tu es très intelligent !” Game over ! En deux secondes, sans le vouloir, on vient de nourrir un joli petit fixed mindset.
Enseigner un growth mindset, ce n’est pas juste penser que tout le monde peut s’améliorer, améliorer son intelligence ou ses capacités. C’est incarner cette idée dans chaque mot, chaque réaction, chaque petit moment du quotidien. Oui, même quand vous avez envie de vous arracher les cheveux parce que votre mini-vous refuse encore de poser sa division.
Parent, équipe éducative, équipe petite enfance, personnel pédagogique, toute personne travaillant avec des enfants. Découvrez combien il est simple d’enseigner le growth mindset au plus grand trésor de l’humanité : nos enfants.
Vous entendez parler du growth mindset pour la première fois ? Consultez cet article qui en parle de long en large.
Croire au potentiel ne suffit pas
Les études sont claires : beaucoup de parents et d’enseignants affirment croire que l’intelligence se développe. Mais entre croire au growth mindset et l’avoir, il existe un petit fossé. Cette croyance est excellente ! C’est la première étape pour développer un growth mindset.
Toutefois, le problème avec cette simple croyance est qu’ils la gardent au chaud dans leur tête. Ils ne la montrent pas ni ne l’incarnent. Pourtant, les enfants n’écoutent pas les grandes théories. Ils guettent vos sourcils quand ils rendent un contrôle.
Ils notent le ton de votre voix quand ils vous parlent de leurs résultats. Et surtout, ils enregistrent ce que vous félicitez ou ne félicitez pas. Pire encore, ils sont très sensibles à ce que vous jugez.
Mais vous pouvez être tranquille, on va remédier à ce petit bug dans le système tout de suite.
La réussite trop facile n’est pas un cadeau
C’est normal de vouloir féliciter son enfant dès qu’il réussit une tâche sans transpirer. D’ailleurs, cela ne concerne pas uniquement l’école. Les activités que vous faites à la maison, les jeux et même leurs comportements sociaux sont aussi concernés.
- “Ça c’est mon fils !”
- “Bravo, t’es trop fort !”
- “Tu es très intelligent !”
- “J’ai toujours su que tu es un génie !”
La liste est très longue et en faisant ce genre de compliment, tous les parents pensent bien faire. Mais le message transmis est empoisonné : “Si tu veux qu’on t’aime, réussis vite et bien.” Ou alors “si on t’aime, c’est parce que tu es intelligent.” Ou encore « tu es intelligent uniquement si tu n’as pas besoin de faire beaucoup d’efforts pour réussir »
Alors qu’une meilleure réponse serait : “Je pense que cet exercice était trop facile. Trouvons un truc un peu plus intéressant, où tu pourrais vraiment apprendre.” Vous pensez certainement que ça casse un peu l’ambiance. Mais cette réplique est la meilleure pour construire une mentalité qui survivra à des 3/20.
Vous vous demandez peut-être si vous n’avez plus le droit de complimenter votre mini-vous quand il fait des prouesses. Évidemment que vous en avez le droit ! On entend souvent dire que “trop” féliciter une personne la rend moins efficace. Mais la justesse de cette affirmation dépend d’un facteur : comment félicitez-vous cette personne ?
Des études neuroscientifiques ont révélé que les compliments activent le système de récompense du cerveau, notamment la libération de dopamine. Cette dernière, hormone de la motivation, renforce les comportements valorisés.
La réaction ainsi générée pousse naturellement l’enfant à répéter l’action pour retrouver cette sensation positive (Berridge & Kringelbach, 2015). Féliciter les processes de votre enfant crée donc un cercle vertueux.
La seule nuance que Carol Dweck, initiatrice de la théorie du mindset, met en lumière, c’est la manière de féliciter. Félicitez votre enfant pour ses efforts et par rapport au processus pour favoriser le growth mindset. Il comprend systématiquement que ses capacités peuvent évoluer et persévère davantage.
En revanche, évitez les compliments qui apposent une étiquette identitaire sur sa valeur telles que : intelligent, naturellement doué, fait pour (les maths par exemple), né pour (les lettres par exemple), est vraiment le fils ou la fille de son père, etc.
À la place, misez sur les qualités comme : persévérance, résilience, changement de stratégies, investissement en termes d’efforts, curiosité, amour pour l’apprentissage, etc.
Le pire moment pour parler de talent à votre enfant
Avant un examen ou une audition, on a tendance à vouloir rassurer son enfant. C’est tout à fait normal, surtout s’il est stressé ou commence à douter de ses capacités. On commence alors à lui rappeler à quel point il est doué et intelligent.
Malheureusement, cette manière de procéder empire la pression. L’enfant ne pense plus qu’à une chose : ne surtout pas prouver le contraire de l’étiquette qu’on lui a apposée.
La meilleure manière de faire est une fois encore de tout rapporter au processus. Rappelez-lui les qualités qui lui ont permis jusque-là d’apprendre et de progresser. Imaginez comment s’en sortirait un enfant qui va composer en ayant à l’esprit qu’il est persévérant. Ou alors qu’il change de stratégie lorsque celle qu’il utilise ne fonctionne pas. Ce sont exactement ces qualités qu’il mettra en œuvre devant les blocages.
En revanche, un enfant qui passe son examen en ayant sa douance à l’esprit se sentira stupide devant chaque blocage. Au lieu de changer de perspective et de reprendre son souffle, il restera bloqué et rendra des résultats en dessous de ses réelles capacités.
J’en ai fait les frais au baccalauréat 2017
Durant les épreuves du bac blanc, j’avais vaillamment obtenu 02/20 en PCT (physique chimie et technologie). Un énième coup que j’avais encaissé cette année-là. Des notes de plus en plus effrayantes en maths avaient déjà miné mon moral au cours de l’année.
Étant fixed-minded à l’époque, j’avais systématiquement ramené cette avalanche de mauvaises notes à mon identité. L’intelligence pour laquelle on m’adulait depuis tant d’années tombait à l’eau. Étais-je donc finalement une imposture ? Telle était la question que je me posais.
Ironiquement, au lieu de chercher à comprendre comment j’étais passée de notes comme 17-18-19 à 02/20, je pensais plutôt à abandonner le collège. Littéralement, je suis rentrée en larmes, disant à ma mère que j’étais fatiguée après ce bac blanc. Je me souviens encore de la détresse dans ses yeux. C’était la première fois que je piquais une telle crise.
Je n’ai donc pas cherché à comprendre les erreurs qui m’avaient privée de 18/20 au bac blanc. Et au bac lui-même, je me suis retrouvée face à des problèmes similaires en PCT. J’ai paniqué et ma première pensée a été : pas encore 02/20. Je me suis à peine retenue de pleurer sur ma copie.
Et en fin de compte, j’ai obtenu 11/20 comme note en PCT, ma plus faible note à l’examen.
Le plus drôle, c’est que longtemps après le bac, je suis restée traumatisée par cette note. J’avais quand-même réussi à obtenir une moyenne générale de 16/20 avec un 11/20 dans la deuxième matière la plus coefficiée de la série C.
J’aurais très bien pu rediriger mon focus sur les autres matières que j’avais extrêmement bien gérées pour obtenir une telle moyenne. Mais au lieu de ça, je suis restée focalisée sur ce petit 11 qui était quand-même au-dessus de la moyenne, pour redéfinir toute mon identité.
Lorsque votre enfant est stressé ou paniqué avant une épreuve, rappelez-lui que cette dernière n’évalue pas sa valeur. Rappelez-lui qu’il a étudié pour passer cet examen et qu’il a toutes les qualités pour résoudre les problèmes qu’il rencontrera. Des qualités comme celles qui ont été données en exemple plus haut. Des qualités qui ne touchent pas à sa valeur en tant que personne, mais au processus.
Ce que vous faites avec les émotions compte encore plus
Mary Main et Carol George ont observé un fait glaçant durant une étude sur des enfants maltraités, punis pour avoir pleuré ou exprimé un besoin. Lorsqu’ils se retrouvaient en groupe, ils devenaient eux-mêmes agressifs face à la souffrance des autres. Certains tentaient même de frapper les autres enfants en détresse.
Ce n’est pas en devenant parent qu’on reproduit ce qu’on a vécu. C’est déjà dès l’enfance qu’on imite la manière dont on a été traité. Si vous ne voulez pas que votre enfant devienne un mini-tyran du bac à sable, apprenez-lui que pleurer, échouer ou demander de l’aide ne mérite pas une punition ni un soupir d’exaspération.
“Si je rate, papa ne va plus m’aimer” On ne le dit jamais comme ça. Mais les enfants peuvent le ressentir ainsi en fonction des signaux que vous leur envoyez à travers votre langage verbal et non-verbal.
Carol Dweck a prouvé que les enfants qui pensent devoir réussir pour mériter amour et respect développent un fixed mindset dès l’école primaire. Ils n’essaient plus pour apprendre. Ils essaient pour valider leur valeur. Et quand ça ne marche pas, ces enfants se figent, trichent ou abandonnent.
Cela me fait penser qu’on devrait peut-être revoir la manière dont on réagit face aux tricheurs à l’école. Châtiment corporel et humiliation publique sont les punitions qu’on utilise depuis des décennies dans nos écoles.
Et pourtant, les mêmes fautes sont commises encore et encore par les mêmes élèves. On développera un peu plus cette question dans la prochaine partie. Mais avant, sachez que…
J’ai moi-même déjà triché au collège
Et pas de la plus douce des manières : mon cahier de cours était ouvert dans le casier. J’avais même été prise la main dans le sac par certains camarades. Mais leur voix n’a pas porté bien loin, j’étais quand-même la deuxième de classe.
Loin de moi l’idée de me dédouaner de ma responsabilité. Mais je n’avais absolument aucune raison valable de tricher. J’étais toujours parmi les meilleurs et n’avais jamais eu besoin de tricher pour y arriver. Alors pourquoi ce vice soudain ?
Je voulais simplement préserver ma réputation et ma valeur. J’étais »censée » avoir 20/20 pour cette composition. Mais certaines réponses échappaient à ma mémoire. Je ne me rendais même pas compte à quel point tricher risquait plus d’entacher ma réputation qu’avoir moins de 20/20.
S’il faut féliciter le processus du succès, comment faut-il gérer l’échec ?

Le développement du fixed mindset ne concerne pas que les étiquettes positives. Il passe aussi par les étiquettes négatives.
Quand on vous colle une étiquette positive vous avez peur de la perdre. Et quand on vous colle une étiquette négative vous avez peur de la mériter.
– Carol Dweck
Un enfant à qui on répète “tu es paresseux”, “tu n’es pas fait pour ça” ou “tu ne comprends jamais rien du premier coup” finit par l’intégrer. Il ne pense plus qu’il a fait une erreur de parcours, il pense qu’il est nul et que cela ne changera pas. Et dès que le défi monte d’un cran, il recule, évite ou triche.
Il fait semblant de s’en foutre, mais en réalité, il vit dans une souffrance émotionnelle constante. Pensez-vous réellement que les enfants “tricheurs” à l’école se sentent fiers de leur statut ?
Avec cette nouvelle distinction sur le mindset, ne serait-il pas intéressant de chercher à comprendre pourquoi les enfants trichent ? À 99 %, je parie qu’on en trouvera qui sont en réalité victimes du fixed mindset.
Peut-être que leurs parents ou leurs enseignants n’ont jamais cru en eux. Peut-être que dès leurs premiers ratés à l’école ou même à la maison, on leur a collé des étiquettes négatives.
Alors, que dire quand un enfant échoue ?
Non, on ne va pas l’applaudir avec un : bravo pour ton 4 sur 20. Ce serait condescendant. Mais on ne va pas non plus lui asséner un : je te l’avais dit. Ça, c’est du sabotage affectif. Ce qu’on peut faire à la place, c’est poser des questions ouvertes sur :
- ce qui lui a posé problème ;
- s’il s’est découragé à un moment donné ;
- comment il procèderait s’il devait recommencer.
Cette façon de procéder transforme l’échec en laboratoire et non en condamnation. Vous lui démontrez que ce raté n’est pas la fin du monde, mais l’occasion de se préparer à réussir les prochaines fois.
On va également éviter de caresser l’enfant dans le sens du poil quand il échoue. Voici un petit extrait du livre de Carol Dweck sur la meilleure manière de procéder :
« Elizabeth, neuf ans, se rendait à sa première compétition de gymnastique. Élancée, souple et pleine d’énergie, elle avait tout pour réussir dans ce sport, et elle l’adorait. Bien sûr, elle était un peu nerveuse à l’idée de concourir, mais elle était douée et se sentait confiante. Elle avait même déjà repéré l’endroit parfait dans sa chambre pour accrocher le ruban qu’elle allait gagner.
Lors de la première épreuve, les exercices au sol, Elizabeth est passée en premier. Même si sa prestation était réussie, le système de notation a changé après le passage des premières filles, et elle a perdu. Elle a bien réussi les autres épreuves aussi, mais pas assez pour gagner. À la fin de la soirée, elle n’avait remporté aucun ruban et était anéantie.
Que feriez-vous si vous étiez les parents d’Elizabeth ?
[…]
La première option (lui dire qu’elle était la meilleure) est fondamentalement insincère. Elle ne l’était pas — vous le savez, et elle aussi. Cela ne lui donne aucun moyen de se relever ou de progresser.
La deuxième (dire qu’on lui a volé la victoire) rejette la faute sur les autres, alors qu’en réalité, le problème venait surtout de sa performance, pas des juges. Voulez-vous vraiment qu’elle grandisse en rejetant toujours la faute sur autrui ?
La troisième (la rassurer en disant que la gymnastique n’est pas si importante) lui apprend à dévaloriser ce qu’elle n’arrive pas à réussir immédiatement. Est-ce vraiment le message que vous voulez transmettre ?
La quatrième (lui dire qu’elle a les capacités) est peut-être le message le plus dangereux. Le talent suffit-il à atteindre ses objectifs ? Si Elizabeth n’a pas gagné cette fois-ci, pourquoi gagnerait-elle la prochaine ?
La dernière option (lui dire qu’elle ne méritait pas de gagner) peut sembler dure dans ces circonstances. Évidemment, vous ne le diriez pas de cette manière. Mais c’est à peu près ce que son père, adepte d’un growth mindset, lui a dit.
Voici ce qu’il a exactement déclaré : « Elizabeth, je comprends ce que tu ressens. C’est très décevant d’avoir mis tous tes espoirs et de t’être donnée à fond sans gagner. Mais tu sais, tu ne l’as pas encore vraiment mérité. Il y avait beaucoup de filles qui pratiquent la gymnastique depuis plus longtemps que toi et qui ont travaillé bien plus dur. Si c’est quelque chose que tu veux vraiment, alors tu devras vraiment y mettre les moyens. »
Il lui a aussi précisé que si elle faisait de la gymnastique juste pour s’amuser, c’était tout à fait acceptable. Mais que si elle voulait se distinguer dans les compétitions, il faudrait en faire davantage.
Elizabeth a pris cela très au sérieux. Elle a passé beaucoup plus de temps à répéter et à perfectionner ses enchaînements, surtout ceux dans lesquels elle avait le plus de difficultés. Lors de la compétition suivante, qui rassemblait quatre-vingts filles venues de toute la région, Elizabeth a remporté quatre épreuves individuelles et est devenue championne générale du concours, ramenant à la maison un énorme trophée. Aujourd’hui, sa chambre est tellement remplie de récompenses qu’on distingue à peine les murs. »
Et si mon enfant s’auto-flagelle tout seul ?
Parfois, ce sont les enfants eux-mêmes qui s’apposent des étiquettes quand ils ratent quelque chose ou se heurtent à un obstacle. Ces petites phrases apparemment anodines, sont en réalité de véritables contrats mentaux que l’enfant signe, sans lire les petites lignes. Et plus il les répète, plus elles s’impriment.
Peu importe d’où leur vient ce réflexe, c’est votre rôle en tant que parent de briser le cycle. Vous n’avez pas besoin de vous transformer en gourou du développement personnel ni de lui coller des post-it de motivation sur le frigo. Ce qu’il faut, c’est intervenir subtilement.
Quand il se sent nul, rappelez-lui que c’est en forgeant qu’on devient forgeron (cette phrase n’a jamais été aussi puissante à mes yeux). Quand il décide d’abandonner parce que c’est trop dur, rappelez-lui que ceux qui font des prouesses sont ceux qui persévèrent.
Ne laissez jamais passer la moindre occasion de lui rappeler que tout peut s’améliorer avec des efforts. Et surtout, servez-vous de vos propres anecdotes pour étayer vos affirmations. Les enfants sont beaucoup plus sensibles aux images et aux histoires.
Voici un autre petit extrait du livre culte pour vous donner une idée :
« Ginott raconte l’histoire de Philip, quatorze ans, qui travaillait sur un projet avec son père et renversa accidentellement des clous sur le sol. Il regarda son père avec culpabilité et dit :
PHILIP : Mince, je suis vraiment maladroit.
PÈRE : Ce n’est pas ce qu’on dit quand les clous tombent.
PHILIP : On dit quoi alors ?
PÈRE : Tu dis : les clous sont tombés — je vais les ramasser !
PHILIP : Juste comme ça ?
PÈRE : Juste comme ça.
PHILIP : Merci, papa. »
Dans cet exemple, le père a juste étouffé l’étiquette que l’enfant s’est apposée en lui enseignant la meilleure manière de réagir. Les prochaines fois que Philip aura des ratés, qu’importe le domaine, il y a de fortes chances qu’il suive le schéma enseigné par son père. Au lieu de s’auto-flageller, il traduira juste la situation pour ce qu’elle est.
S’il rate un exercice de maths, il pourra dire : j’ai raté cet exercice de maths, je vais le reprendre. Il ne dira plus “je suis nul en maths” ou “je ne suis pas intelligent” ou “je ne suis pas fait pour les maths”.
Et si mon enfant est partisan du moindre effort ?
Un enfant qui échoue alors qu’il ne fait aucun effort ne peut être félicité de ses efforts. Pour la simple raison que ces efforts n’existent pas. Voici des propositions plus intéressantes tirées de mindset de Carol Dweck. Pour les rendre plus pratiques, je les ai intégrées à une petite histoire.
Antoine, 11 ans, élève en sixième, professionnel du j’ai presque fini et champion régional de la copie bâclée. L’école, il ne déteste pas, mais disons qu’il la fréquente à contrecœur. Les devoirs, il les survole comme un hibou. Par conséquent, il traîne des carnets pleins de remarques du style “Peut mieux faire” ou “Travail non terminé”.
Le comportement du petit Antoine décrit l’un des syndromes causés par le fixed mindset : le syndrome du moindre effort.
Un soir, après un énième devoir bâclé, sa mère soupire, mais décide de changer d’approche.
— Toino, ça me contrarie vraiment quand tu ne fais pas le travail jusqu’au bout. À ton avis, quand pourras-tu le terminer ?
Antoine lève les yeux, un peu surpris par le calme de sa mère. Pas de menace et elle l’appelle par son petit nom de maison. Il hausse ensuite les épaules, alors sa mère poursuit :
— Est-ce qu’il y a quelque chose que tu n’as pas compris dans l’exercice ? Tu veux qu’on le revoit ensemble ?
Antoine finit par avouer qu’il ne pigeait rien à ce problème de maths. La mère s’assied alors, et ils reprennent ensemble.
Mais deux jours plus tard, c’était reparti. Devoir d’histoire à moitié fini. La mère respire, sourit intérieurement et dit :
— Toino, ça me rend triste de te voir passer à côté d’une occasion d’apprendre. Tu vois une manière de faire ça qui t’aiderait à mieux apprendre ?
Antoine grimace, puis ils discutent. Et quand le prochain devoir donne l’impression d’avoir été conçu pour torturer les collégiens, maman reste droit dans ses bottes :
— Ouh là, cet exercice a vraiment l’air ennuyeux. Tu as toute ma compassion. Tu aurais une idée pour le rendre plus intéressant ?
Antoine propose de transformer la leçon en quiz. Maman en profite pour glisser une dernière perle :
— Tu te souviens quand je t’ai dit que les trucs barbants nous apprennent à nous concentrer ? Eh bien celui-là, c’est du niveau boss final. Allez, voyons si tu arrives à rester focus jusqu’au bout !
Petit à petit, Antoine ne se transforme pas en Einstein. Mais il râle un peu moins et termine un peu plus ses devoirs. Surtout, il apprend que l’école n’est pas juste un endroit où on se fait juger, mais un lieu pour devenir un peu meilleur chaque jour.
Evidemment, vous n’avez pas à utiliser les mêmes formulations avec votre enfant. Tout dépend du style de langage que vous avez l’habitude d’utiliser avec lui.
Alors, comment enseigner le growth mindset à son enfant au quotidien ?
Transmettre le growth mindset à son enfant ne concerne pas uniquement les moments d’échec ou de succès. Comme l’oxygène, vous devez le respirer au quotidien.
Dans son livre, Carol raconte l’histoire de Wes, un papa en mode fixed mindset qui n’en pouvait plus du comportement de son fils. Tous les soirs, il rentrait crevé du boulot, espérant un minimum de calme.
Mais Mickey, son fils, avait d’autres plans : bruit, refus d’obéir, zéro coopération. Wes s’énervait, Mickey résistait, et comme d’habitude, ça finissait en cris et en punition.
Un jour, désespéré, Wes tente un truc nouveau : il essaye un brin de growth mindset. Il félicite les efforts de Mickey, souligne ses bonnes intentions quand il est attentionné ou serviable. Et là, comme par miracle, Mickey change du tout au tout.
Wes croyant être au bout de ses peines, cesse de féliciter les efforts de son fils. Il pensait que le nouveau Mickey allait se maintenir tout seul. Mais ce fut le contraire. Le garçon a rechuté, et Wes, vexé, est devenu encore plus dur qu’avant.
Ce retour en arrière rappelle que le growth mindset ne repose pas sur quelques astuces ponctuelles, mais sur une façon durable et profonde de voir les choses. Il s’agit de passer d’une logique de jugement à une logique d’apprentissage mutuel. Et cela demande du temps, de l’engagement et du soutien. Surtout si vous avez procédé sur la base du fixed mindset depuis des années.
Si vous vous êtes rendu compte que vous avez des traits de fixed mindset, inutile de culpabiliser. Il en est de même si vous vous êtes rendu compte que vous êtes growth minded mais n’arrivez pas à le transmettre à vos enfants. Vous êtes tout ce qu’il y a de plus normal, et surtout, vous avez le pouvoir de changer les choses.
Voici donc 5 méthodes pour enseigner le growth mindset à votre enfant tous les jours.
Adieu les jugements
Commencez par vous écouter parler à votre enfant. Quels sont les messages que leur renvoient vos mots ? Disent-ils que vous pensez que leurs traits de caractère sont figés et que vous les jugez ? Ou disent-ils que vous pensez qu’ils peuvent évoluer et que vous êtes impliqué dans ce processus ?
Vous avez une panoplie d’exemples dans les premiers chapitres de cet article. Adaptez-les à votre enfant et surtout soyez créatif ! Vous serez surpris de découvrir à quel point vous pouvez être growth minded dès que vous vous décidez à l’être.
Devant chaque situation, demandez-vous : comment puis-je réagir face à cette situation avec un growth mindset ? C’est-à-dire en vous basant sur la croyance que votre enfant peut évoluer dans absolument tout ce qu’il fait.
Bye bye les étiquettes
Demandez-vous si vous avez l’habitude d’étiqueter votre enfant. Intelligent, doué, réussit sans effort, talentueux, lent à la détente, idiot, inconscient, agité, etc. Toutes ces étiquettes sont utilisées avec une bonne intention et sont souvent spontanées.
Vous remarquerez peut-être que vous les utilisez plus souvent que vous le pensiez. Mais une fois que vous en prenez conscience, les contrôler devient plus facile.
Alors oui, certains traits sont souvent bien ancrés dans les habitudes d’un enfant. Il est peut-être très vif d’esprit et arrive effectivement à comprendre plus vite que la moyenne. Ou au contraire, il prend plus de temps à comprendre ce qu’on lui explique.
Tous les enfants sont différents. Même dans une même fratrie, des différences majeures peuvent s’observer. Le growth mindset, c’est reconnaître le comportement de base et comprendre que celui-ci peut évoluer avec des efforts. Mais ces efforts ne viendront pas à coup de jugements ou de critiques.
Pour un enfant “agité” par exemple, on a tendance à penser qu’il faut réduire son agitation. Mais en réalité, il faut plutôt augmenter son calme.
Ne m’invitez pas à manifester contre la guerre car je ne viendrai pas. Mais si vous m’invitez à manifester pour la paix, j’y serai.
– Mère Teresa
Tant que vous lui rappellerez qu’il est agité, son attention restera bloquée sur le mot agitation. Et le cerveau humain se focalise sur les mots clés qu’on lui donne. Il comprend très mal la négation. Et c’est d’ailleurs pour ça que si je vous dis de ne pas penser à un mouton, vous êtes déjà en train d’y penser.
Le petit garçon agité du bus
Un enfant très agité a peut-être trop d’énergie à dépenser. Je me rappelle qu’un jour, j’ai pris un bus où je suis tombée sur un père et son fils. Le fils était vraiment très actif, parlait beaucoup, posait beaucoup de questions, discutait avec le chauffeur du bus, etc.
J’ai été fascinée par la manière dont son père gérait la situation. Au lieu de se fâcher, son père jouait avec sa curiosité, lui montrait des bâtiments sur la route pour le stimuler.
L’un des moyens les plus efficaces de changer un enfant qui déborde d’énergie est de trouver des activités qui permettent justement de canaliser son énergie. Des activités qui le stimulent, le rendent curieux et lui donnent envie de dépenser cette énergie.
La petite fille bavarde de la chambre d’hôpital
Je me souviens qu’en mi-2024, j’étais hospitalisée dans une clinique pour paludisme grave. À côté de moi, une petite fille très bavarde, qui a flirté avec la mort quelques jours plus tôt, nous mettait tous la joie au cœur.
À force de discuter avec elle, je me suis rendue compte qu’elle regardait un paquet de films d’animation. L’avantage, c’est qu’elle en tirait beaucoup : un vocabulaire enrichi et des leçons de vie comme l’envie de dépasser ses peurs.
En réalité, le bavardage de trop de la petite était juste le résultat du trop plein d’informations qu’elle avait absorbé et voulait partager. Imaginez un peu les conséquences désastreuses qu’on pourrait provoquer en la faisant taire.
Si vous n’avez pas toujours le temps de l’écouter, vous pouvez l’initier à des activités qui lui permettent de canaliser ses découvertes :
- créer des mini-vidéos sous forme de documentaire pour présenter ses nouvelles découvertes ;
- réaliser des dessins ou des infographies pour mieux organiser ses idées et en faire toute une bibliothèque ;
- créer un journal d’apprentissage dans un carnet qu’il pourra organiser comme bon lui semble, avec ou sans illustrations ;
- travailler sur des projets créatifs comme les collages, les maquettes ou les dioramas ;
- créer ses propres quizz ou jeux éducatifs sur la base des informations qu’il accumule, etc.
Les activités doivent être choisies en fonction des centres d’intérêt de l’enfant. Et idéalement, vous devez prévoir des moments dans la journée ou la semaine, où vous discutez avec lui de ses projets.
Je ne vous encourage pas à absorber l’attention de votre enfant dans les écrans. Le papa du bus allumait de temps en temps des vidéos à son garçon, mais ce dernier restait quand-même “agité”. Il s’agit plutôt de trouver des activités constructives, qui peuvent passer par les écrans, pour canaliser l’énergie de l’enfant.
Chaque habitude de votre enfant peut être liée à des causes différentes. Et il faudrait tout un livre pour en parler. Mais en tant que parent, vous avez la capacité de comprendre votre mini-vous mieux que personne. Le tout étant de ne pas l’étiqueter à vie, mais de le considérer comme un être capable d’évoluer.
On transforme les échecs en tremplin
Faites attention à la manière dont vous réagissez aux échecs de votre enfant. Est-ce que vous vous contentez de lui apposer une étiquette ou de le consoler ? Aucune des deux techniques n’est la bonne. En plus de le maintenir dans un fixed mindset, elles ne lui permettent pas d’évoluer.
Chaque échec doit être l’occasion de lui rappeler que c’est le processus qui est le plus important et que ses résultats ne définissent pas sa valeur en tant que personne. Vous pouvez commencer par reconnaître la douleur que l’enfant ressent face à cet échec comme le papa d’Elizabeth, la petite gymnaste dont on a parlé plus haut.
Ensuite, s’il n’a pas fait assez d’efforts, il faut lui rappeler qu’il faut qu’il en redouble. S’il en fait assez, rappelez-lui que ce résultat n’est qu’une étape et qu’avec le processus et le temps, il pourra s’améliorer.
Vous pouvez aussi lui apprendre à faire un bilan face à chaque échec : quelles ont été ses forces et ses faiblesses ? Comment peut-il travailler dessus pour les prochaines fois? Pourquoi doit-il persévérer pour atteindre les résultats qu’il vise ?
Bye bye les projections sur votre enfant
Demandez-vous si vous n’avez pas pour objectif d’avoir un enfant intelligent, doué, super brillant, etc. Peut-être même que vous le comparez à d’autres enfants que vous trouvez plus “futés” (Inutile de culpabiliser).
Très souvent, en tant que parent, on a des objectifs pour nos enfants. Mais si ces objectifs ont pour finalité de les étiqueter, nos actions les enfermeront indéniablement dans un fixed mindset.
Vos objectifs doivent toujours être de voir votre enfant devenir mieux qu’il ne l’était la veille. Cela signifie valoriser ses plus petites victoires et être prêt à lui expliquer 10 fois ce que ses pairs comprennent en 2 fois.
Mieux, vous pouvez passer par les sujets qu’il aime pour lui expliquer ceux qu’il ne comprend pas. S’il adore le foot mais galère avec les maths, servez-vous d’analogies entre le foot et les maths. Il comprendra à une vitesse qui vous laissera ébahi. Ce travail est loin d’être facile. Mais le jeu en vaut la chandelle.
Par ailleurs, demandez-vous si vous basez votre valeur en tant que parent sur les réussites de votre enfant. Vous vous attendez à ce qu’il soit sans faute ou tout au moins qu’il corresponde à vos standards pour vous sentir digne en tant que parent.
Ou alors, vous espérez que votre enfant soit aussi intelligent que vous. Rappelez-vous que si vous jugez un poisson à sa capacité à grimper, il se sentira éternellement idiot.
Intéressez-vous aux intérêts de vos enfants et vous vous rendrez compte à quel point ils peuvent faire des efforts quand ils sont passionnés. Vous trouverez également des hacks pour les convaincre plus tard.
Vérifiez si vous n’avez pas tendance à mettre la barre trop haute ou trop basse. Mettre la barre trop basse est souvent le résultat d’une sous-estimation des performances de l’enfant.
On doute de ses capacités à atteindre des objectifs plus hauts alors on lui en donne des plus bas. Cette conclusion a peut-être été tirée à la suite d’événements où il s’est montré peu “futé”.
Le problème avec cette approche, c’est qu’elle empêche votre mini-vous de se dépasser. Il restera constamment dans son plus bas niveau de potentiel et abandonnera devant les moindres difficultés. Alors là, on pourrait se dire autant mettre la barre très haute. Mais cette approche sera également contre-productive, à moins qu’elle soit bien encadrée.
Si vous affirmez à votre enfant qu’il peut devenir meilleur à l’école, parlez-lui des stratégies qu’il peut utiliser et aidez-le à les mettre en place. Servez-vous de vos propres anecdotes pour lui montrer qu’on peut passer d’un point A à un point B en y mettant du cœur.
Il est bien possible qu’il puisse passer de 02/20 à 18/20 en temps record. Mais cela reste moins probable que passer de 02/20 à 10/20, ce qui est déjà une avancée incroyable. Vous pouvez bien vous fixer un objectif de 18/20. Mais s’il atteint 10/20, même 08/20, cette petite victoire mérite d’être célébrée et encouragée.
Cette célébration lui donnera envie de faire encore mieux pour avoir de nouvelles victoires à célébrer. Souvenez-vous du circuit de récompense lié à la dopamine : plus les expériences sont associées au plaisir, plus l’enfant veut les multiplier.
Une routine qui encourage le partage d’expériences
Si on ne leur demande pas, les enfants n’ont pas forcément le réflexe de parler des blocages qu’ils rencontrent. Pour les encourager à en parler, vous pouvez créer une discussion tous les soirs ou tous les weekends. Si vous n’avez vraiment pas le temps, vous pouvez mettre cette routine à la fin de chaque mois.
Par exemple, cette dernière peut consister à discuter de leur journée, semaine ou mois dans une atmosphère agréable. Vous pouvez faire une sortie en famille ou simplement discuter autour d’un repas à la maison.
Au cours de cette activité, vos enfants comme vous devrez raconter leurs expériences, les blocages rencontrés et les leçons tirées. C’est important que vous y participiez aussi pour donner l’exemple.
Cette routine vous permet d’identifier d’éventuels traits de fixed mindset et de les éradiquer au plus tôt. Elle vous donne aussi l’opportunité d’enseigner le growth mindset à vos enfant en réorientant leur focus sur le processus.
Avant de partir, laissez-nous un commentaire sur l’utilité de cet article ! Cela permettra à plus de parents ou de professionnels de l’enfance de le découvrir.
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